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Nos réflexions sur la recherche sur l’amélioration de la mortalité de l’ICA. Première partie: Vecteurs d’amélioration de la mortalité

Il est important de comprendre certains des principaux vecteurs de changement et leur évolution au fil du temps pour prévoir les changements futurs possibles aux taux de mortalité. Qu’est-ce qui pourrait entraîner des améliorations (ou des détériorations) des taux de mortalité? Comment intégrer ces données dans nos modèles de projection? Le passé représente-t-il une bonne mesure pour l'avenir? Les variations de la mortalité seront-elles différentes selon des facteurs comme le genre, la situation socioéconomique ou l’âge? Le modèle présenté dans le rapport au groupe de surveillance de projet responsable de la recherche sur les améliorations de la mortalité de l’ICA (le « rapport ») utilise les données historiques (de 1980 à 2019) pour la population canadienne de deux façons différentes :

1. Utilisation d’une approche de régression pour prévoir les taux d’amélioration de la mortalité à court terme;

2. Utilisation de séries chronologiques pour étalonner un taux d’amélioration de la mortalité à long terme durable.

Dans les deux applications, le rapport fait l’hypothèse implicite que la dynamique d’amélioration de la mortalité dans les données d’étalonnage de 1980 à 2019 est représentative de la manière dont la mortalité évoluera. Le rapport ne se concentre pas sur la justification de cette hypothèse, mais il est important d'en tenir compte. De plus, la justification de l’utilisation de cette période d’étalonnage peut être différente pour les taux d’amélioration à court terme que pour les taux d’amélioration durable à long terme. Voici les questions qui s'imposent :

• Qu'est-ce qui a entraîné les améliorations de la mortalité observées de 1980 à 2019?

• Ces facteurs continueront-ils de favoriser l’amélioration de la mortalité à court terme? Et à long terme?

• Y a-t-il d’autres facteurs qui pourraient entraîner une amélioration ou une détérioration des taux de mortalité à court terme? Et à long terme?

• La dynamique historique observée pour la population générale est-elle appropriée pour différentes populations (par exemple, différents groupes socioéconomiques ou populations assurées vs non assurées)?

Nous avons axé nos commentaires sur la mortalité aux âges plus avancés, car c’est le contexte qui aura le plus d’incidence sur les fournisseurs de rentes et les régimes de retraite à prestations déterminées.

Retour en arrière : Les facteurs qui ont contribué à l’amélioration importante de l’espérance de vie au cours du dernier siècle

Le Bureau de l'actuaire en chef du Canada a produit une étude exhaustive sur les vecteurs d'amélioration de la mortalité au Canada au cours des 100 dernières années dans son document publié en 2021 intitulé Projections de mortalité pour les programmes de sécurité sociale au Canada, que nous recommandons fortement. Nous présentons ci-dessous un résumé des principaux thèmes qui exercent une incidence sur l’utilisation des données historiques pour prévoir les taux d’amélioration à court et à long terme.

Le graphique ci-dessous illustre l’espérance de vie annuelle au Canada à 65 ans entre 1921 et 2021 pour les hommes (en pourpre) et les femmes (en vert). Même si l'espérance de vie des hommes et des femmes a augmenté sur une période de 100 ans, il est important de souligner que le taux de cette augmentation, et parfois le moment où elle s'est produite, variait entre les hommes et les femmes.

Source : Base de données sur la mortalité humaine

Nous observons une amélioration importante de la longévité des hommes et des femmes plus âgés au cours des 100 dernières années. Les améliorations pour les femmes ont évolué de façon assez uniforme depuis les années 1960. Contrairement aux hommes, pour qui les améliorations ont été relativement stables dans les années 1960 et ont progressé beaucoup plus rapidement entre les années 1980 et 2000. Pour illustrer l’incidence de cette période, les hommes et les femmes ont vu une amélioration de l'espérance de vie à 65 ans d'environ 6 ans au cours de la période entre 1960 et 2019. Toutefois, entre 1980 et 2019, l'espérance de vie des hommes à 65 ans a augmenté de plus de 5 ans et celle des femmes à 65 ans de moins de 4 ans.

Afin d’illustrer certains des facteurs contribuant à ces améliorations, nous avons indiqué dans les graphiques suivants le nombre de décès normalisé selon l’âge pour 100 000 vies pour les hommes (graphique de gauche) et les femmes (graphique de droite) âgés de 65 ans et plus entre 1950 et 2022. Les graphiques illustrent le nombre de décès attribuables à diverses causes de décès et mettent en évidence leur contribution respective aux tendances globales de mortalité au fil du temps. Les graphiques sur les causes de décès, tels que ceux-ci, ne révèlent pas tout sur l’amélioration de la mortalité, car nous visons à comprendre la cause fondamentale du taux de changement d’une cause de décès particulière (telle qu’utilisée dans les modèles de cause de la cause de décès).

L’espérance de vie a connu une période d’amélioration significative entre les années 1960 et la fin des années 2000, principalement grâce à la réduction des décès liés aux maladies circulatoires. La réduction du nombre de décès dus aux maladies circulatoires au cours de cette période a été soutenue par de multiples facteurs : amélioration des modes de vie (par exemple, arrêt du tabac), nouveaux médicaments (par exemple, les statines) ainsi que nouveaux traitements et technologies médicales (par exemple, les endoprothèses).

Tout comme pour les améliorations entre1960 et 2000 qui sont largement dues à la diminution du nombre de décès dus aux maladies circulatoires, les différences d’amélioration entre les hommes et les femmes s’avèrent également importantes. En fait chez les hommes, les améliorations plus lentes des années 1960 à 1970 correspondent à des taux de tabagisme plus élevés, et celles plus rapides des années 1980 à 2000 découlent des réductions plus importantes des taux de tabagisme.

Après 2010, nous observons des taux d’amélioration plus faibles que ceux observés entre la fin des années 1990 et 2010, principalement en raison d’une réduction des améliorations liées aux maladies circulatoires. Une autre tendance notable est l’augmentation du nombre de décès liés à d’autres causes, entraînée par une augmentation de la maladie d’Alzheimer et de la démence. Des tendances similaires sont observées au Royaume-Uni et aux États-Unis.


Perspectives : On ne peut guérir la même maladie deux fois!

Si nous voulons utiliser des données historiques pour projeter des améliorations dans le futur, nous devons soit nous convaincre que les vecteurs des variations historiques des taux de mortalité continueront d’entraîner des changements dans l’avenir, soit les remplacer par d’autres vecteurs ayant des répercussions semblables. La réduction rapide des taux de mortalité dus aux maladies circulatoires au cours des 60 dernières années a été remarquable, mais elle ne peut se poursuivre indéfiniment. Quels vents contraires et favorables pourrions-nous envisager?

  • COVID-19 : les répercussions de la COVID longue demeurent incertaines. Les effets du virus sur les organes vitaux tels que le cœur, les poumons et, dans certains cas, le cerveau, laissent présager une augmentation des comorbidités à l’avenir.
  • Pression sur le système de soins de santé : Le système de soins de santé du Canada, surchargé avant même la pandémie, subit maintenant des pressions encore plus grandes, les délais d’attente atteignant des niveaux sans précédent. Le vieillissement de la population canadienne risque d’exacerber les pressions sur un système déjà surchargé. Comme nous l’avons mentionné dans notre récent article de la série Illustrations préférées, l’augmentation des délais d’attente est associée à l’augmentation de la mortalité.
  • Progrès médicaux : Les progrès de la technologie de vaccin à ARN messager, stimulés en partie par la pandémie de COVID-19, sont prometteurs pour les traitements futurs contre le cancer. Les recherches préliminaires suggèrent également des avantages non voulus potentiels de l’utilisation de médicaments tels que l’Ozempic comme médicament d’amaigrissement, ce qui pourrait entraîner une réduction importante des taux d’obésité. Cela pourrait permettre de réduire les maladies associées à l’obésité et d’alléger la pression sur le système de santé canadien.
  • Nouvelles maladies : La maladie d'Alzheimer et la démence, qui se manifestent généralement chez les personnes âgées, sont donc moins présentes dans les régions où l'espérance de vie est plus courte. Avec l’allongement de l’espérance de vie, le risque d’apparition de nouvelles maladies neurologiques augmente également.
  • Immigration : Les changements démographiques peuvent également exercer une incidence sur l'espérance de vie. Le taux de croissance de la population du Canada en 2023, principalement attribuable à l’immigration, a été le plus élevé depuis la fin des années 1950. Le rapport du BSIF sur les Projections de mortalité pour les programmes de sécurité sociale au Canada suggère que cet aspect pourrait augmenter l’espérance de vie en raison de l’effet de l’immigrant en bonne santé – un niveau de mortalité inférieur observé chez les immigrants, probablement dû aux examens de santé inclus dans le processus d’immigration.
  • Changement climatique : Le changement climatique pourrait avoir un impact négatif à long terme sur la santé des Canadiens en exacerbant la propagation des maladies infectieuses (par exemple, la maladie de Lyme). De plus, les catastrophes naturelles liées au climat (par exemple, les feux de forêt) et les phénomènes météorologiques extrêmes (par exemple, la canicule de la Colombie-Britannique en 2021) contribuent également à des taux de mortalité et d’invalidité potentiellement plus élevés.

La section « Perspectives » du rapport de l’ICA reconnaît l’importance de comprendre les tendances des causes de décès en tant que facteurs d’amélioration de la mortalité. Toutefois, passer des modèles de mortalité toutes causes à des modèles par cause de décès (ou même à des modèles par cause de la cause de décès) constitue un défi, car ces derniers s’appuient beaucoup plus sur le jugement d’experts. Notre webinaire Longévité 102: améliorations/tendances explore ces modèles plus en détail, et notre webinaire Un regard vers l’horizon : comment établir les taux d’amélioration de la longévité à long terme? examine de plus près les facteurs à prendre en considération pour établir les taux d’amélioration à long terme.

L’établissement de projections requiert de tenir compte de facteurs comme les limites de réduction des taux de mortalité, l’incidence sur la longévité (positive ou négative) et de savoir si des changements sont attendus à court ou à long terme. En outre, il est important de reconnaître que certaines tendances peuvent engendrer des implications variables sur certains groupes démographiques. Comprendre les différents effets sexospécifiques, les effets liés à l'âge et les répercussions sur différents groupes socioéconomiques permettra d'obtenir des renseignements plus complets sur les tendances futures et les résultats possibles en matière d'espérance de vie.

Si ce sujet vous intéresse, nous avons récemment animé une série de webinaires sur les facteurs susceptibles d’entraîner des améliorations significatives de l’espérance de vie dans les années à venir. Consultez les enregistrements de la série disponibles à ce jour et les détails des séances à venir.

Conclusion

  • L’utilisation de données historiques pour projeter les améliorations futures de la mortalité suppose implicitement que le taux de variation des taux de mortalité observé dans le passé est représentatif de la façon dont les choses évolueront.
  • Pour les taux à court terme, il est plus facile de justifier la poursuite des tendances récentes[1]; les causes des tendances récentes pourraient bien continuer de produire un effet pendant plusieurs années. Toutefois, nous devons veiller à comprendre les diverses façons que différentes populations ont pu connaître les tendances récentes et surveiller les nouveaux moteurs de changement qui pourraient ne pas être reflétés dans les données récentes.
  • Les taux à long terme s’avèrent nettement plus subjectifs. Il n’est pas certain que les taux d’amélioration historiques soient nécessairement représentatifs de l’avenir à long terme. Les vecteurs de changement historiques ne peuvent pas toujours durer indéfiniment. Si quelqu’un ne fume pas, il ne peut pas arrêter de fumer! Bien que les améliorations historiques à long terme puissent nous fournir un point de référence utile, il pourrait être plus approprié de fonder les taux d’amélioration projetés à long terme sur une analyse factorielle ou une analyse de scénarios pilotée par des experts, plutôt que de supposer une réplication directe de ce qui s’est produit dans le passé.
  • Enfin, comme le souligne le rapport, il est important de comprendre les effets spécifiques au genre, les effets liés à l’âge et les effets socioéconomiques des améliorations de la mortalité. Cela aidera à éclairer les considérations pour l'avenir et à adapter les hypothèses à la population en question. Nous y reviendrons plus en détail dans le prochain article de cette série.


[1] Dans la mesure où nous présumons que des événements comme la récente pandémie de COVID-19 sont transitoires et que nous les excluons de nos données d’étalonnage et de la période future que nous essayons de modéliser.

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